Jean-Baptiste Rivoire détaille les « clauses de silence » imposées par Vincent Bolloré

Le journaliste a été condamné aux prud’hommes à reverser 151.000 euros au groupe Canal+ pour n’avoir pas respecté les clauses liées à son départ. Auditionné par une commission d’enquête parlementaire, il a décrit le système de « clauses de silence » dans les médias Bolloré pour organiser une omerta sur les pratiques du groupe.

On a beaucoup parlé des auditions du magnat d’extrême droite Vincent Bolloré et de son « fou du roi » Cyril Hanouna devant la commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’attribution des chaînes TNT. Mais il est une autre audition, passée presqu’inaperçue alors qu’elle mérite d’être écoutée attentivement : celle du journaliste Jean-Baptiste Rivoire, en conflit durant presque dix ans avec Bolloré et Canal+.

Ancien rédacteur en chef adjoint de l’émission Spécial Investigation sur Canal+ et fondateur du site Off Investigation, Rivoire a été condamné le 28 février par le conseil des prud’hommes à reverser la somme de 151.500 euros au groupe Canal+, dont il a été le salarié de 2000 à 2021. Les attendus du jugement ne sont pas connus à ce jour mais le journaliste, qui a annoncé faire appel, était poursuivi pour n’avoir pas respecté la clause « de non-dénigrement » signée lors de son départ négocié après cinq années de mise au placard.

Illustration Claire Robert

Plus précisément, Canal+ a poursuivi des propos tenus par le journaliste dans un court documentaire produit par Reporters sans frontières en 2021, Le système B. L’information selon Vincent Bolloré. Aux côtés de dix autres journalistes témoignant dans ce documentaire, il racontait « le massacre du journalisme » lorsque Bolloré prend les commandes de Canal+ en 2015, ainsi qu’un « management par la terreur ». Toutes choses alors déjà connues et largement documentées… Bolloré s’était, par exemple, immédiatement illustré lors de sa prise de contrôle de Canal+ en interdisant la diffusion d’un documentaire sur la banque Crédit mutuel.

Son audition devant la commission parlementaire a permis à Jean-Baptiste Rivoire de raconter dans le détail et documents à l’appui comment l’investigation est progressivement écrasée -son émission est supprimée en 2016- et comment la direction de Canal+ et sa chaîne hiérarchique organise les pressions, les mises au placard, la censure et les licenciements. Bolloré, bien sûr, n’apparaît jamais en direct -ou que très rarement- mais c’est tout un système pyramidal qui concourt à la mise à genoux du journalisme.

Des clauses de ce type peuvent être fréquentes dans les entreprises qui demandent aux ex-salariés de respecter la confidentialité de certaines informations économiques internes. Mais celles qu’imposent Bolloré et le groupe Canal+ apparaissent particulièrement extensives : l’interdiction de parler concerne tous les aspects de l’entreprise et est sans limite temporelle. « La clause que j’ai signée n’a pas de date d’expiration, c’est donc à vie que je dois me taire ! », a noté devant les parlementaires Jean-Baptiste Rivoire.

Le système concerne d’ailleurs tous les médias Bolloré. Près de 200 journalistes et salariés ont quitté Europe1 et le Journal du dimanche. A de très rares exceptions près, des journalistes connus comme Patrick Cohen ou Pascale Clark, aucun ne s’est depuis exprimé publiquement sur les « méthodes Bolloré », beaucoup racontant en privé leur peur d’être immédiatement poursuivis…

 Ainsi a été méthodiquement installée une omerta sur le fonctionnement interne de ces médias qui a permis à Vincent Bolloré de répondre à quelques questions embarrassantes des parlementaires par des « je ne sais pas », « je ne le connais pas », « je ne suis pas au courant », etc. (son audition peut être vue ici, à partir de 3:06:16).

Spécialiste des procédures bâillons devant la justice pour intimider les journalistes, Bolloré bâillonne ainsi en interne ses entreprises et salariés, en particulier sur les « recettes-maison » de la fabrication de l’information dans ses médias.

 

A voir également :

Une vidéo de Off Investigation

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