
C’est confirmé. Bernard Arnault, membre du trio des hommes les plus riches du monde, a acheté le 2 juillet le groupe Bey Médias jusqu’alors contrôlé par Nicolas Beytout. Le patron de LVMH rajoute ainsi à sa holding médias Ufipar le quotidien ultra-libéral « L’Opinion » et le titre économique « L’Agefi ».
Avec le quotidien économique « Les Echos », le mensuel « Mieux Vivre Votre Argent » et une forte participation dans l’hebdomadaire « Challenges » dont il prendra le contrôle après le retrait de son fondateur, Claude Perdriel, 99 ans, Bernard Arnault constitue pas à pas un monopole sur l’information économique en France. Il ne lui manque que le groupe « La Tribune », propriété d’un autre milliardaire, Rodolphe Saadé.
Nicolas Beytout, ancien patron des « Echos » et du « Figaro », dont l’ultra-libéralisme ne vient en rien contredire les engagements politiques du patron de LVMH, conserve la présidence de Bey Médias. Si « L’Agefi » est rentable à ce stade, le quotidien « L’Opinion », créé en 2013, n’a jamais fait de bénéfices et vit entre autres de subventions publiques massives (2,9 millions d’euros en 2023). Ses pertes récurrentes étaient également épongées jusqu’alors par une autre immense fortune, celle de la famille Bettencourt (groupe L’Oréal).
Après le rachat de « Paris-Match » à Vincent Bolloré en octobre 2024, ces nouvelles acquisitions installent Bernard Arnault, qui contrôle également le quotidien « Le Parisien » et Radio Classique, en magnat de la presse généraliste et spécialisée.
Un autre magnat, l’armateur milliardaire Rodolphe Saadé, déjà propriétaire du quotidien « La Provence », de « La Tribune » et du groupe audiovisuel BFMTV-RMC, est en passe d’acquérir le média vidéo « Brut ». Déjà actionnaire de Brut, l’armateur est entré en négociations exclusives pour prendre le contrôle de ce média numérique, produisant des vidéos à destination d’un public jeune et présent dans cent pays. Le prix d’achat de « Brut » n’est pas dévoilé à ce stade.
Le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, présent dans la presse écrite avec « Marianne », « Franc Tireur », « Libération », et l’édition avec Editis, entre pour sa part de plain-pied dans la télévision. Il est actionnaire minoritaire de TF1. Le voilà patron d’une chaîne gratuite la TNT. T18 vient d’être lancée, sans que grand monde ne le remarque. Il est vrai que ses programmes consistent, à ce stade, à des rediffusions massives de vieux films et documentaires et à quelques émissions de plateau animées par les insubmersibles Matthieu Croissandeau ou Laurent Ruquier.
Daniel Kretinsky a également renforcé son emprise sur le quotidien « Libération ». Si le capital du journal est intouchable depuis qu’il a été logé dans un fonds de dotation, son contrôle est assuré par une holding intermédiaire, Presse Indépendante SAS présidée par Denis Olivennes, l’homme de Kretinsky puisqu’il préside également le conseil de surveillance de CMI France, groupe médias du milliardaire tchèque.
Ce dernier a consenti trois prêts successifs, pour un total de 43 millions d’euros, à « Libération » qui enregistre année après année de lourdes pertes. Un récent article de « La Lettre » précisait que le remboursement de ces prêts n’avait pas débuté, que la dette du quotidien allait être restructurée. « Le journal reste, dans les faits, financièrement dépendant de Daniel Kretinsky tant qu’il n’aura pas atteint la rentabilité », conclut « La Lettre ».
Daniel Kretinsky, Denis Olivennes : on retrouvait ces deux hommes il y a quelques jours auprès de Vincent et Yannick Bolloré pour une ahurissante cérémonie réunissant la « famille Canal+ » (groupe Bolloré) et Gabriel Attal. La scène est racontée par Pauline Bock, dans Arrêt sur images.
L’éphémère premier ministre d’Emmanuel Macron, aujourd’hui patron du groupe des députés Renaissance, remettait l’ordre national du mérite à Gérald-Brice Viret, lieutenant du milliardaire d’extrême droite et directeur général en charge des programmes du groupe Canal+ (qui inclut CNews). Le tout sous le regard de l’animateur Jean-Marc Morandini qui, malgré sa condamnation en appel à deux ans de prison avec sursis pour corruption de mineurs et interdiction formelle de travailler auprès de mineurs, officie toujours sur Europe1 (groupe Bolloré).
« Tellement fier d’avoir partagé ce moment de pure émotion, ce soir, pour Gérald-Brice Viret ! », a commenté Morandini en postant sur Instagram une photo de Gabriel Attal décorant l’homme de Canal+. Attal décore ainsi ceux dont le projet est d’installer au pouvoir le RN –ou une union des ultra-droites.
« Vincent Bolloré sera le faiseur de rois en 2027, et même les candidats de l’ex-bloc central le savent », a commenté sur X le chercheur Alexis Lévrier. « Ils décoreront donc ses lieutenants, ils flatteront ses médias, et ils se précipiteront chaque semaine dans le JDD, où ils parleront d’islam et de «submersion migratoire». » Mais surtout pas d’une concentration des médias qui, aujourd’hui, ouvre la voie à l’extrême droite.
François Bonnet
Président du FPL