Par Christine Lazerges, administratrice du FPL
Ancienne présidente de la CNCDH
En pleine pandémie mondiale, lourde de conséquences dramatiques dans de multiples domaines, au-delà de la mort de centaines de milliers d’hommes et de femmes de la Covid 19, en France une proposition de loi ose le titre « Sécurité globale ». Le texte est un mauvais brouillon ; il n’y aura ni étude d’impact, ni avis du Conseil d’Etat mais simplement une navette parlementaire bâclée par le choix de la procédure accélérée.
La réalité est celle d’une proposition de loi soufflée par le ministère de l’intérieur avec deux mots clés : sécurité globale et continuum de sécurité. Les vigies que sont le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, la Défenseure des droits en France, la Commission nationale consultative des droits de l’homme ont immédiatement dressé la liste des libertés mises en danger voire bafouées.
Les valeurs et principes de la République au fondement de la fonction expressive de la loi pénale sont oubliées au bénéfice d’un détournement des fonctions de la loi. Je veux parler de la fonction déclarative porteuse d’un discours politique du moment qui, en l’occurrence, tentait d’effacer par la loi « Sécurité globale » le droit à la sûreté au cœur de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC), droit volontairement confondu par le législateur avec le droit à la sécurité, fondamentalisé seulement en 1995. Que dit l’article 2 de la DDHC : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels imprescriptibles de l’homme : ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ».
L’opposition parlementaire et la société civile ne s’y sont pas trompées, peu de propositions de loi ont jeté dans la rue autant de citoyens et citoyennes révoltés par l’article 24, phare illuminant le fait incontestable que le texte portait une atteinte directe à la liberté d’expression comportant la liberté d’information. Que dit l’article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme, tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
Ce fameux article 24 visait à protéger les forces de police en empêchant la divulgation d’images de comportements policiers répréhensibles, il entravait radicalement le travail des journalistes et bloquait la lutte contre les violences policières.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 mai dernier, ne s’y est pas trompé non plus et a censuré ce texte ainsi que plusieurs autres articles de la loi, une gifle pour le Gouvernement et le Parlement.
La version finalement adoptée de l’article 24 était quasi incompréhensible, y compris par les meilleurs juristes, elle heurtait de plein fouet le principe de légalité des délits et des peines. D’une part, elle plongeait les journalistes dans une insécurité juridique inacceptable, d’autre part elle entravait globalement la liberté d’expression de tout un chacun.
Que le Parlement ait osé cette bien médiocre et dangereuse aventure législative prouve combien l’objet du Fonds pour une Presse Libre est d’une brûlante actualité. Ne cessons jamais de défendre la liberté de l’information, le pluralisme de la presse et son indépendance.