Le Fonds pour une presse libre et l’ONG internationale Media Defence s’associent pour créer « Ripostes », un fonds d’aide juridique pour la presse indépendante. Il s’agit de contrer les attaques des politiques et des entreprises contre la presse indépendante. Et faire en sorte que la peur change de camp en faisant condamner ces procédures abusives.
C’est une première en France. Elle n’est possible que grâce au soutien des donatrices et donateurs du FPL. Le Fonds pour une presse libre et l’ONG internationale Media Defence ont décidé de s’associer pour créer « Ripostes », le premier fonds d’aide juridique pour la presse indépendante. Ce Fonds sera opérationnel dès le 15 octobre 2025.
De quoi s’agit-il ?
Oligarques, entreprises ou responsables politiques multiplient les attaques contre la presse indépendante par des procédures judiciaires manifestement infondées et qui contournent la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Ces dernières années, les exemples sont légion. Objectifs de ces procédures : faire peur aux médias, leur coûter beaucoup d’argent, les dissuader d’enquêter, encourager l’auto-censure.
La mission du FPL est de défendre le pluralisme de l’information et l’indépendance du journalisme. Celle de Media Defence est de protéger les journalistes et leur indépendance. Depuis sa création, l’ONG a défendu plus de deux mille journalistes dans le monde entier.
Nos deux organisations s’associent dans un partenariat 50/50. Il permettra de financer la défense de médias indépendants visés par des procédures judiciaires ou administratives manifestement abusives. Le Fonds pour une presse libre dotera ce Fonds « Ripostes » de 100.000 euros pour les deux années à venir.
« La liberté de la presse recule en France et ce qu’on appelle les "procédures bâillons" en sont la cause. Ces dernières années, la France figure en cinquième place des pays européens où ces procédures manifestement infondées sont les plus utilisées. »
Dorothée Archambault, directrice du développement et des programmes de Media Defence
Il s’agit avec le Fonds Ripostes d’aider à des défenses offensives face à des acteurs politiques et économiques de plus en plus agressifs. Ils nous poursuivent et veulent nous faire taire ? Alors ripostons, poursuivons-les à notre tour.
Il faut que la peur change de camp. Et nous encouragerons des stratégies de défense offensives, par exemple par des demandes de sanctions financières réelles, des demandes de publication de communiqués judiciaires.
Il est évidemment normal que des journalistes soient appelés à répondre de leur travail devant des tribunaux, par exemple si des personnes s’estiment diffamées. Il est en revanche scandaleux que des acteurs politiques ou économiques contournent le droit de la presse ou engagent des procédures dans le seul but d’intimider voire de menacer.
Splann!, Le Poulpe, Rue89 Lyon ...Quelques exemples en France
Quand l’oligarque Patrick Drahi poursuit devant un tribunal de commerce le média indépendant d’investigation Reflets.info, il obtient une ordonnance d’interdiction de publier. Quand l’entreprise Valgo poursuit indirectement, elle-aussi devant un tribunal de commerce, le média d’investigation normand Le Poulpe, elle obtient la chasse aux sources de ses journalistes.
Dans ces deux cas, les ordonnances de ces tribunaux seront ensuite cassées… des mois plus tard, au terme de longues et coûteuses procédures. L’affaire Drahi a coûté 30.000 euros de frais de justice à l’équipe de Reflets. L’affaire Valgo, 16.000 euros au Poulpe…
L’enjeu pour ces puissances politiques et économiques n’est pas de gagner. Vincent Bolloré, par exemple, a perdu tous ses procès contre des médias indépendants et France Télévisions. Mais il s’agit de frapper les finances de ces médias et d’intimider leurs journalistes.
La France est dans le peloton de tête des pays européens les plus touchés par les procédures abusives envers les journalistes, avec une forte augmentation au cours des années 2022 et 2023, selon le rapport 2024 de l’ONG CASE, coalition européenne d’ONG contre les procédures bâillons (Coalition against SLAPPs in Europe).
Par ces procédures abusives, c’est notre droit à l’information qui est directement remis en cause. Dernier exemple en date : une série d’enquêtes du collectif Splann ! sur le système de santé en Bretagne. Trois grands hôpitaux n’ont pas seulement refusé de fournir les documents administratifs demandés. Ils ont décidé de poursuivre les journalistes concernés, demandant plusieurs milliers d’euros d’amende (lire le détail ici).
Autre exemple, la décision de Jean-Michel Aulas, candidat LR à la mairie de Lyon, de poursuivre Rue-89 Lyon après une enquête sur ses investissements via des sociétés offshore et des paradis fiscaux (lire ici). Autre exemple encore : la ministre démissionnaire Aurore Bergé poursuit le journaliste indépendant Nils Wilcke pour un tweet ironique reprenant des informations du Canard Enchaîné et de Mediapart (lire ici).
Le Fonds Ripostes, au service des médias indépendants et de leurs journalistes, est un nouveau levier pour contrer les attaques contre un journalisme d’enquête sur des faits d’intérêt public. Plus que jamais, dans la crise politique majeure provoquée depuis juin 2024 par l’Elysée, il est urgent de défendre une information libre.
« Les stratégies juridiques visant à museler le journalisme d'intérêt public se multiplient, même dans les démocraties établies. Ce partenariat nous permet de réagir rapidement, de financer des défenses et d'établir des précédents juridiques qui protègent la liberté de la presse »
Carlos Gaio, directeur général de Media Defence
Pour que nos « Ripostes » soient à la hauteur, votre aide nous est indispensable.
Soutenez le FPL par un don, petit ou grand. Rejoignez les milliers de donatrices et donateurs qui, par leur soutien financier, participent déjà à nos actions. Amplifions cette mobilisation citoyenne. Merci.
Concrètement, les médias indépendants et les journalistes doivent adresser leur demande de soutien à Media Defence ou (postuler ici) au FPL (charlotte.clavreul@fondspresselibre.org). Cette demande doit impérativement fournir les documents nécessaires à la compréhension de l’affaire (contenus éditoriaux visés, contenus des menaces, documents judiciaires ou administratifs). Chaque année, un rapport financier et d’activité sera conjointement élaboré et rendu public.