C’est pour nous une première. Le 14 novembre 2024, nous avions lancé un appel à projets inédit puisque « fléché » sur un thème particulier : enquêter sur l’extrême droite. Le constat était identique à celui que l’on peut faire aujourd’hui. Le Rassemblement national, premier groupe politique à l’Assemblée nationale et premier parti à l’issue des élections européennes et législatives de juin dernier, est en passe d’accéder au pouvoir.

L’engagement contre l’extrême droite est pour nous fondamental, tant son arrivée au pouvoir constituerait une grave menace pour nos libertés fondamentales (dont la liberté d’informer), pour notre espace démocratique et social, et pour nos institutions républicaines. C’est pour cette raison que le FPL a signé le 19 juin un appel à « un front commun des médias contre l’extrême droite », signé par plus de cent médias.

« L’enjeu est de préserver la possibilité même d’une presse indépendante du pouvoir politique, pluraliste, avec des journalistes exerçant leur métier en toute liberté. Sans presse libre, pas de démocratie », dit cet appel qui peut être lu ici. Dans la foulée, le FPL participait à l’organisation de deux grands rassemblements publics, les 27 juin et 3 juillet 2024, Place de la République à Paris (lire ici).

Lors de notre collecte financière annuelle, en septembre et octobre, nous vous avions explicitement proposé de financer par vos dons, et à hauteur de 100.000 euros, une série d’enquêtes sur l’extrême droite. L’objectif a été rapidement atteint et nous vous remercions de ces soutiens financiers qui ont rendu possible cet appel à projets.

Nous avons une conviction simple : une information fiable, vérifiée et inédite est l’une des meilleures armes contre le Rassemblement national et l’extrême droite. Ce sont les médias indépendants qui ont révélé les financements russes du FN/RN, les liens du parti familial des Le Pen avec des groupes identitaires, violents, néo-nazis ou ultras, comme le GUD, par exemple. Ce sont aussi ces médias qui ont largement révélé, entre les deux tours des dernières élections, les engagements racistes, antisémites, les incompétences, les parcours extravagants de plus d’une centaine de candidats du RN.

Notre appel à projets va permettre de poursuivre ce travail d’enquête dans de nouvelles directions. 24 candidatures de médias, dont certains associés à des collectifs de journalistes pigistes, ont été reçues. Constitué de 11 membres, tous professionnels des métiers de l’information, notre conseil stratégique a finalement sélectionné 9 projets d’enquête. Choix difficile qui a donné lieu à un long travail d’évaluation et à des auditions avec de nombreux candidats.

Ces 9 projets bénéficieront d’aides financières s’élevant au total à 113.250 euros. C’est donc plus que vos dons, mais le FPL a décidé d’abonder la somme initiale de 100.000 euros avec une partie de ses (petites) réserves pour ne pas bousculer les budgets qui, chaque fois nous ont été proposés, et assurer une rémunération correcte, en particulier des journalistes pigistes qui mèneront certaines de ces enquêtes. Au vu des différents budgets des projets, des aides de 5.000 à 27.000 euros ont été accordées (au moins 25% d’autofinancement était demandé).

De plus, le FPL a décidé de proposer à tous les médias sélectionnés un accompagnement éditorial, qui sera assuré dans les mois à venir par un journaliste spécialisé, ainsi qu’un accompagnement juridique en ayant recours à un.e avocat.e spécialisé.e dans le droit de la presse.

Au total, cet appel à projets devrait donc être de près de 130.000 euros. Encore une fois, seuls vos dons, petits ou grands, rendent possibles ces enquêtes et nous vous en remercions.

Alors, quelles enquêtes ? Conseil stratégique, conseil d’administration du FPL, médias et journalistes concernés… Nous avons été unanimes à conclure qu’il n’était pas possible de communiquer à ce stade sur les sujets des diverses enquêtes, les titres des médias et les collectifs de pigistes concernés.

Ce sont des précautions élémentaires : une enquête n’existe que lorsqu’elle est terminée et publiée, sauf à « tuer » le sujet en prévenant à l’avance tous les acteurs concernés. Quand il s’agit de l’extrême droite, une autre précaution est à prendre, celle de la sécurité. Les harcèlements sur les réseaux sociaux, les menaces verbales mais aussi physiques, les risques d’agressions et de violences : trop de journalistes ayant travaillé sur l’extrême droite se sont heurtés à ces obstacles pour ne pas prendre quelques précautions élémentaires.

Au final, nous avons choisi de soutenir des projets que nous croyons originaux, utiles surtout pour mieux comprendre ce qu’est l’extrême droite, ses relais dans la société, dans le monde des affaires, dans les collectivités locales, ainsi que les politiques qu’elle entend mener. Par principe, une enquête n’aboutit pas à tout coup: l’intuition de départ peut se révéler une impasse, les sources peuvent demeurer inaccessibles, les documents soigneusement verrouillés.

C’est le risque à prendre, c’est ce risque que vont prendre des dizaines de journalistes porteurs de ces projets. Et nous les en remercions. Rendez-vous pour découvrir tout ce travail dans quelques mois, et merci de votre soutien.

L’équipe du FPL