Secret des sources des journalistes : un dialogue « franc » à Matignon

Le FPL, RSF, le syndicat national des journalistes (SNJ) et l’association Sherpa ont été reçus à Matignon par quatre conseillers du premier ministre, à la suite d’une lettre publique signée par 110 médias, organisations et collectifs, et proposant cinq pistes de réforme pour mieux garantir le secret des sources journalistiques. Le dialogue a parfois été difficile. Explications.

Illustration Claire Robert

Depuis plusieurs mois, le Fonds pour une presse libre, Reporters sans frontières, le syndicat national des journalistes, l’association Sherpa et le média Disclose ont constitué un groupe de travail pour parvenir à une formulation précise de ce que doit être une réforme de la loi de 2010 sur le secret des sources des journalistes.

Ce travail nous a conduit à adresser le 13 janvier une lettre au premier ministre ainsi qu’aux ministres de la défense, de la justice, de l’intérieur et de la culture. Cette lettre, qui détaille les cinq points indispensables d’une réforme nécessaire et urgente, a été signée par 110 médias, syndicats de journalistes, organisations de défense des droits, sociétés de journalistes. Elle est à lire ici. La lettre a ensuite été rendue publique et adressée aux parlementaires.

Si les ministères directement concernés n’ont à ce jour pas souhaité nous entendre, la réponse est venue de Matignon. Mardi 11 février, le FPL, RSF, le SNJ et Sherpa ont été reçus par la conseillère médias et culture de François Bayrou, Magali Valente (qui devient au 17 février directrice de cabinet de la ministre Rachida Dati), ainsi que les trois conseillers justice, intérieur et défense du premier ministre.

Disons-le de suite : cet échange d’une heure a été « franc », selon le terme diplomatique en usage pour signifier qu’il fut parfois vif, voire agité. Tout particulièrement concernant la situation de la journaliste Ariane Lavrilleux, de Disclose, subissant depuis bientôt deux ans surveillance, garde à vue, perquisition, saisie de son matériel et procédure judiciaire lancée par le ministère de la défense pour avoir enquêté sur une opération militaire française secrète en Egypte que ce pays aurait détournée pour cibler et tuer des civils.

Arc-boutés à une conception extensive du « secret défense » qui justifierait des moyens de surveillance démesurés et particulièrement intrusifs, et ne saurait en aucun cas être mis en balance avec la révélation d’informations d’intérêt public, l’exécutif n’entend pas reculer d’un pouce sur ces questions, a-t-on compris.

Ce premier écueil passé, un deuxième se présenta aussitôt. En résumé, la loi de 2010 garantit la protection du secret des sources des journalistes SAUF en cas « d’impératif prépondérant d’intérêt public ». Formulation particulièrement vague que plusieurs autres pays européens ont pris soin de préciser, comme le fait par exemple la loi belge. Formulation établissant un périmètre indéfini, laissé à l’appréciation des pouvoirs politiques, économiques et de la justice.

Les Etats généraux de la presse indépendante et les 110 signataires de la lettre ouverte demandent que les situations d’exception au secret des sources soient clairement définies. Et l’exécutif ne paraît pas pressé de prendre ce chemin. Tout juste envisage-t-il de reprendre la formulation proposée par les Etats généraux de l’information (EGI), cette machinerie élyséenne de consultation menée en 2023 et 2024. Les EGI proposent de remplacer l’exception « d’impératif prépondérant d’intérêt public » par une atteinte « aux intérêts fondamentaux de la nation », notion tout aussi vague qui ne restreint en rien le champ des exceptions…

En revanche, quelques ouvertures ont été formulées quant à notre lettre commune. Par exemple, sur les voies de recours à améliorer. Sur la présence d’un juge indépendant tout au long de la procédure. Sur la création d’un délit d’atteinte au secret des sources. Sur des garanties de protection aujourd’hui accordées aux avocats et qui pourraient être étendues aux journalistes. Sur le détournement des voies de droit, par exemple le recours aux tribunaux de commerce.

Le dialogue, même « franc », doit donc se poursuivre et les demandes de l’immense majorité de la profession écoutées. Même si le contexte politique et la survie de ce gouvernement ne sont qu’une longue suite de points d’interrogation. Car l’exécutif a l’obligation de traduire dans la loi française le European media freedom act avant le 8 août 2025. Et la ministre Rachida Dati a dit à plusieurs reprises son intention de réformer la législation actuelle sur le secret des sources.

A ce stade, si un projet de loi gouvernemental est en cours de rédaction, les indispensables arbitrages interministériels demeurent à faire avant un passage devant le Conseil d’Etat. Tout cela pourrait conduire à septembre 2025… Et, si le gouvernement est toujours en place à cette date, il lui restera à trouver une majorité politique.

François Bonnet, président du FPL

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