Le FPL lance un appel contre le secret des affaires

Le Fonds pour une presse libre a pris l’initiative de lancer un appel commun de médias indépendants et d’organisations de journalistes après l’ordonnance en référé rendue le 6 octobre par le tribunal de commerce de Nanterre contre nos confrères de Reflets.info. Cette décision est liberticide. Explications.


Le tribunal de commerce de Nanterre était saisi en référé par le groupe Altice, propriété de l’homme d’affaires Patrick Drahi, magnat des télécommunications et de la presse. Il attaquait le média indépendant Reflets.info, site d’enquête sur le numérique, les données open-source et les leaks. Reflets-info a publié depuis la fin du mois d’août plusieurs articles réalisés à partir de centaines de milliers de documents internes à Altice, piratés et mis en ligne sur le web. 

Dans ses articles, Reflets.info détaillait en particulier le train de vie extravagant de Patrick Drahi et de sa famille et un usage immodéré de voyages en jet privé. Au moment où le président de la République en appelle à « la sobriété » et où les jets privés font polémique, ces informations viennent utilement alimenter le débat public. Ces articles ne détaillaient pas les activités des différentes sociétés du groupe Altice.

Le tribunal de commerce rappelle que Reflets.info n’est en rien impliqué dans le piratage de ses documents. Il rejette également la demande d’Altice de supprimer les articles déjà publiés. Mais il « ordonne » à Reflets.info « de ne pas publier sur le site de son journal en ligne de nouvelles informations » sur Altice (lire ici l’ordonnance de référé).

La possibilité de nouvelles publications « fait peser une menace » sur Altice, estime le tribunal. Cette menace est liée à « l’incertitude du contenu des parutions à venir qui pourraient révéler des informations relevant du secret des affaires ». Nos collègues sont en outre condamnés à payer à Altice un total de 4 500 euros pour les frais de justice.

Par cette ordonnance, le tribunal de commerce décide d’instaurer au nom du secret des affaires une censure préalable d’articles pas encore publiés ! 

Et il confirme combien la loi de 2018 sur le secret des affaires contient des dispositions menaçant directement la liberté de la presse et le droit à l’information. Elle facilite le contournement du droit de la presse et la loi de 1881. Au nom d’une vision extensive du secret des affaires, elle rend possible l’interdiction d’un journalisme d’enquête sur la vie économique et les entreprises.

Lors de la discussion de cette loi de 2018, défendue par Emmanuel Macron depuis qu’il était ministre de l’économie, la quasi-totalité des organisations de journalistes avait mis en garde le pouvoir contre les dangers d’une telle législation. Sans succès. Les pires des craintes sont aujourd’hui confirmées.

Titré « Patrick Drahi ne nous fera pas taire ! », L’appel lancé par le Fonds pour une presse libre (il est à lire ici), signé au moment de sa publication lundi 10 octobre par près de 70 médias indépendants et organisations de journalistes, vient relayer et fédérer les nombreuses protestations de la profession après la décision du tribunal de commerce.

« Nous ne sommes pas censurés sur le passé… mais sur l’avenir ! »a protesté Reflets sur son site, en dénonçant un « procès-bâillon »« Nous allons faire appel. Pour nous-mêmes, mais aussi pour toute la profession », a ajouté le journal.

Cette décision est « un contournement déplorable du droit de la presse. Nous la pensons infondée en droit. Son annulation est une nécessité démocratique », a réagi Reporters sans frontières. « La liberté d’informer est en péril », a estimé le Syndicat national des journalistes (SNJ). Le SNJ-CGT a dénoncé « un acte de censure ». Pour sa part, le collectif Informer n’est pas un délit fustige « la loi sur le secret des affaires ».

Les signataires de l’appel demandent que « le gouvernement se saisisse d’urgence de cette question au moment où le pouvoir annonce des états généraux sur le droit à l’information ». Et ils proposent plusieurs mesures pour mettre fin à des atteintes insupportables au droit à l’information.

L’appel est à lire ici

L’ordonnance du tribunal de commerce est à lire ici

Les explications de Reflets.info à lire ici

Un article de Mediapart à lire ici

Un article du Monde à lire ici

Facebook
Twitter
LinkedIn

Le fpl a besoin de votre soutien pour:

  • Aider des entreprises de presse indépendantes

  • soutenir des initiatives journalistes

  • Défendre la liberté de la presse

Le fpl a besoin de votre soutien pour:

  • Aider des entreprises de presse indépendantes

  • soutenir des initiatives journalistes

  • Défendre la liberté de la presse

Pour être tenu(e) informé(e) de l’actualité du FPL, inscrivez-vous à notre lettre d'information