Pourquoi la liberté de la presse reste un combat

Les attaques répétées contre le journalisme indépendant, dans l’indifférence des pouvoirs publics, ne cessent de dégrader l’information et le débat public. Ce n’est pas une marotte de journaliste. C’est une inquiétude citoyenne qui ne peut que grandir, surtout lorsque l’extrême droite paraît aux portes du pouvoir. Se mobiliser pour une information libre et de qualité reste le meilleur moyen de revitaliser notre démocratie.

Un parti politique, le Rassemblement national, prétend choisir le ou la journaliste qui couvrira ses activités sur BFM-TV. Les rédactions des Echos et du Parisien sont en conflit ouvert avec leur actionnaire, le milliardaire Bernard Arnault. Le groupe Bolloré met officiellement la main sur Europe-1, Le Journal du dimanche et Paris-Match. Soixante-dix journalistes, plus d’un tiers de la rédaction, quittent le groupe La Provence après son rachat par le milliardaire Rodolphe Saadé (groupe CMA-CGM). Le syndicat national des journalistes (SNJ, majoritaire) a saisi la Défenseure des droits des cas de plusieurs journalistes cibles de violences policières lors des manifestations contre la réforme des retraites.

Ce ne sont que quelques exemples d’une chronique des attaques lancées contre les médias et les journalistes. On pourrait y ajouter les folles « censures préventives » ou interdiction de publier prononcées par des tribunaux de commerce, le recours à ces mêmes tribunaux pour pourchasser les sources de journalistes, les nombreux procès-bâillon lancés contre des journaux fragiles financièrement, les convocations récentes de trois journalistes travaillant dans la presse régionale par l’Inspection générale de la police nationale, « convocations qui ont pour seul but d’intimider, d’épuiser et de faire taire », selon le SNJ.

Tel est le paysage de l’information en France. Une dégradation pas forcément spectaculaire mais continue et à bas bruit, doublée d’une précarisation croissante du métier de journaliste. Nous ne sommes pas les seuls à le dire. Tous les syndicats de journalistes, les collectifs, les avocats spécialisés en droit de la presse, les sociétés de journalistes de nombreux médias tirent la sonnette d’alarme.

La transformation de CNews, de chaîne d’information en continu en une chaîne d’opinion déroulant les thèses et l’agenda de l’extrême-droite, est certes spectaculaire. Elle ne doit pas faire oublier les multiples atteintes au droit à une information pluraliste et de qualité des citoyennes et des citoyens.

Ce pluralisme et cette indépendance sont plus que jamais menacés par une concentration continue des principaux médias dans les mains d’une dizaine d’hommes d’affaires, comme s’en inquiète un rapport très officiel réalisé il y a quelques mois par l’inspection des finances et l’inspection des affaires culturelles : « La concentration de la presse est élevée pour la presse quotidienne nationale et très forte pour la presse quotidienne locale », souligne ce rapport.

fonds presse libre kisskissbank
@Caroline Varon

Répétons-le, la liberté de la presse n’est pas un débat professionnel entre journalistes. Elle concerne d’abord les citoyennes et les citoyens, le respect de leur droit de savoir, leur capacité à se forger connaissances et opinions. Sans une information indépendante, il ne peut y avoir d’authentique délibération démocratique. C’est ce qu’affirment lois et jurisprudences constitutionnelles, charte des droits fondamentaux et Cour européenne des droits de l’Homme.

Comme d’autres organisations, le Fonds pour une presse libre (FPL) appelle la société à se mobiliser. Il ne s’agit pas d’un combat que certains peuvent juger inutile ou marginal. C’est un combat central pour un bien commun, l’information et l’exercice de la citoyenneté.

Créé en fin 2019, le FPL a choisi deux modes d’intervention. Le premier est une action de « plaidoyer » : faire connaître au public les enjeux de ce combat pour la liberté de l’information et intervenir auprès des acteurs publics. Dernières rencontres en date : celle avec le commissaire européen Thierry Breton et celle avec l’eurodéputé Geoffroy Didier, tous deux en charge de conduire l’adoption d’une nouvelle législation européenne sur la liberté des médias, l’European Media Freedom Act qui pourrait être adopté début 2024.

Le FPL a été aussi à l’initiative, ces derniers mois, de deux appels de médias indépendants et d’organisations de journalistes dénonçant les contournements de loi de 1881 par des recours aux tribunaux de commerce (à lire ici et ici).

Notre deuxième mode d’intervention est d’organiser une aide financière aux médias indépendants grâce aux dons des personnes qui soutiennent ce combat pour la liberté. Nous accordons ces aides pour deux raisons. La première est le scandale largement documenté des attributions des aides publiques à la presse dont profitent à plein la petite dizaine de milliardaires qui contrôlent l’essentiel du système médiatique mais peu ou pas la presse indépendante.

La seconde raison est que cette presse indépendante manque cruellement des moyens financiers indispensables au lancement d’un nouveau média ou à des développements techniques et éditoriaux. L’accès aux crédits bancaires est quasiment fermé et les investisseurs potentiels se méfient d’une presse indépendante jugée structurellement déficitaire, ce qui est faux.

Bouclé fin mai 2023, le quatrième appel à projets du Fonds pour une presse libre nous a permis de débloquer 200.000 euros pour aider dix médias (le détail est ici). Au total, en moins de quatre ans, le FPL aura pu mobiliser 500.000 euros (496.000 exactement) pour aider à financer les projets de 27 médias. Les sommes attribuées -subventions ou avance de trésorerie- vont de 10.000 à 45.000 euros. Cela pourra sembler bien peu au vu des ressources nécessaires pour construire une entreprise de presse pérenne. Mais chaque fois, ces projets permettent aux médias aidés de grimper une marche, de passer une étape, de gagner quelques centaines ou quelques milliers de lectrices et lecteurs.

Le journalisme est aussi un artisanat, dans la réalisation patiente et déterminée de reportages ou d’enquêtes, dans l’élaboration de solutions techniques numériques de plus en plus sophistiquées. C’est pourquoi le FPL a préféré ce fonctionnement par projet, qui nous permet d’évaluer au plus près leur pertinence et leur cohérence.

Car nous nous devons de garantir à toutes celles et ceux qui nous permettent d’agir la meilleure utilisation possible de leur argent. L’intégralité des dons reçus par le FPL est reversée à la presse indépendante (nos coûts de fonctionnement sont couverts par une donation annuelle du journal Mediapart). Quatorze personnes (conseil d’administration et conseil stratégique du Fonds), toutes bénévoles, examinent et choisissent les projets déposés dans le cadre de nos appels à candidatures.

Nos deux campagnes d’appel à dons nous ont permis d’obtenir 2 267 donatrices et donateurs en 2021 et 1 477 donatrices et donateurs en 2022. Nous les en remercions vivement. Nous les appelons à poursuivre leur engagement (le don mensuel est possible) et, surtout, à faire connaître le Fonds pour une presse libre, ses actions et ses engagements. Ce n’est qu’en rassemblant une communauté citoyenne de plusieurs milliers de personnes, jugeant nécessaire ce combat pour une information pluraliste et indépendante, que nous pourrons poursuivre et amplifier nos actions dans les années à venir. Faites connaître le FPL, faites un don. Chaque euro est utile. Merci.

François Bonnet
Président du FPL

 

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