Depuis sa création en octobre 2025, le fonds Ripostes a déjà été saisi par trois médias indépendants visés par des procédures-bâillons. Ces poursuites abusives visent à faire taire et à épuiser les journalistes. En partenariat avec l’ONG Media Defence, le FPL peut, avec Ripostes, financer les frais judiciaires des médias attaqués. Soutenir ces médias représente un enjeu citoyen majeur. Le FPL s’engage dans ce sens.
Le Fonds pour une presse libre alerte depuis plusieurs années sur les dangers de la multiplication de procédures judiciaires abusives envers des journalistes qui ne font que leur métier : informer les citoyen·nes sur des faits d’intérêt général.
Dans les propositions issues des États Généraux de la presse indépendante (EGPI) en novembre 2023 figuraient plusieurs dispositions au sujet de ces « procédures-bâillons ». Nous demandions que « le législateur français se saisisse de ces questions et rétablissent l’égalité des armes devant la justice ».
Le délit de presse n’a pas sa place devant les tribunaux de commerce. La proposition 17 précise : « Il faut prévoir des immunités de poursuites civiles (notamment dénigrement commercial, secret des affaires) et empêcher les poursuites en référé visant à censurer avant toute publication des contenus journalistiques ».
La proposition 20 demande « d’ adopter une définition claire et ambitieuse des procédures bâillons, de garantir leur rejet rapide des prétoires ainsi que leur sanction, et permettre l’accès à des réparations pour les personnes ciblées ».
Une recrudescence des procédures abusives
Ces procédures judiciaires manifestement infondées contournent souvent la loi de 1881 sur la liberté de la presse se multiplient en recourant à des fondements de nature pénale ou commerciale : secret des affaires, secret défense, dénigrement commercial, diffusion d’informations fausses ou trompeuses, injure publique…Ces procédures ne visent pas à obtenir une victoire judiciaire, mais à faire peur aux médias, attaquer au porte-monnaie, les dissuader d’enquêter, les faire taire. Les exemples sont nombreux : Le Poulpe, Reflets.info, StreetPress, Disclose… Récemment, le journaliste Phillipe Miller et son média Warning Training ont été récemment condamnés par le tribunal de commerce d’Aix en Provence à verser 38.000 € à un cabinet d’avocats parisien pour « dénigrement commercial » dans le cadre d’un article publié sur son site.
Une autre bataille se joue avec le législateur : la directive européenne anti-SLAPP (Strategic Lawsuits Against Public Participation) adoptée le 11 avril 2024 n’a pas encore été transposée dans le droit français. Pour rappel, selon un rapport de la Coalition Against SLAPPs in Europe (CASE), la France est le troisième pays européen, après la Pologne et Malte, où les procédures-bâillon (SLAPP) intentées entre 2010 et 2023 sont les plus nombreuses.
Ces procédures bâillons ne sont pas seulement une affaire de journalistes. Le droit à une libre information des citoyennes et citoyens est en jeu puisque ces procédures visent d’abord à étouffer ou effacer des informations qui dérangent.
Ripostes : un fonds d’aide juridique inédit
Le FPL s’est associé à l’ONG internationale Media Defence pour créer le premier fonds d’aide juridique à destination de la presse indépendante : le fonds Ripostes en octobre 2025, doté de 100.000 € pour deux ans. « Ils nous poursuivent et veulent nous faire taire ? Alors ripostons, poursuivons-les à notre tour », disions-nous au moment du lancement de Ripostes en octobre 2025.
Le fonds « Ripostes » est une initiative inédite en France. Avec le concours de Media Defence et son expertise, nous avons pour ambition d’accompagner les médias dans leur défense face à ces attaques injustifiées, leur apporter le soutien financier indispensable à leur survie. Nous voulons encourager des stratégies de défense offensives, par exemple par des demandes de sanctions financières réelles, des demandes de publication de communiqués judiciaires, etc.
Trois médias ont déjà saisi Ripostes
Nous avons a déjà été saisis par trois médias indépendants, dont les affaires représentent des atteintes claires à la liberté d’informer : Rue89 Lyon, Street Press et L’Empaillé. Les montants demandés cumulés avoisinent les 18.000 €, soit déjà 18 % de l’enveloppe globale de « Ripostes » pour deux ans. Ce fonds d’aide juridique doit être pérennisé pour aider la presse indépendante à tenir face à ces attaques successives.

Jean-Michel Aulas, candidat aux municipales attaque Rue 89 Lyon
« Les Aulas s’envolent en jet privé vers les paradis fiscaux ». L’article remonte au 16 octobre 2023 : Rue89 Lyon révélait comment l’ancien président de l’Olympique Lyonnais et son fils, Alexandre Aulas, avaient investi, à travers un montage financier passant par plusieurs paradis fiscaux, dans un terminal de luxe pour leurs jets privés à Miami. Pour ces révélations, le chef d’entreprise, désormais candidat aux municipales à Lyon et son fils poursuivent le média d’investigation local en diffamation.
Le procès s’est déroulé le 18 novembre dernier au tribunal correctionnel de Lyon. Ru89 Lyon a demandé le remboursement intégral des frais de justices, en définissant clairement ce procès comme étant une « procédure bâillon » visant à intimider les journalistes. Le jugement est fixé au 20 janvier 2026.
Le média d'extrême droite Frontières attaque StreetPress
Erik Tegnér, directeur de la publication de Frontières, poursuit StreetPress en diffamation devant le tribunal correctionnel de Versailles. Dans un article paru le 22 octobre 2025, StreetPress rapportait une série de propos tenus par Erik Tegnér sur CNews à l’égard de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale. Plusieurs spécialistes ont rappelé que les propos pouvaient relever de stéréotypes antisémites. Cette séquence a suscité de nombreuses réactions politiques et SOS Racisme a saisi l’Arcom.
La citation directe était fixée au 15 décembre 2025. StreetPress est visé par une dizaine d’autres procédures, dont la majorité concerne des personnalités ou des structures d’extrême droite. Les frais juridiques ont pesé 51 000 € dans le budget du média indépendant en ligne en 2024.
Le super-flic de Louis Aliot à Perpignan poursuit L'Empaillé
Le journal trimestriel indépendant diffusé en Occitanie, est attaqué en justice par Philippe Rouch, directeur de la police municipale de Perpignan, dont le maire n’est autre que Louis Aliot, premier vice-président du Rassemblement national. La raison ? Une enquête publiée en octobre 2023 : « Perpignan : purge sur la ville » dans laquelle une partie est consacrée aux méthodes violentes de sa police municipale, qualifiant son directeur de « caïd ».
Le procès aura lieu le 8 janvier 2026 au tribunal correctionnel de Perpignan. Le média est poursuivi pour « injure publique ». Il s’agit d’une tentative d’intimidation, selon l’avocat du journal, Me Octave Nitkowski puisque le média est poursuivi en dehors du cadre de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
Les médias indépendants peuvent adresser leurs demandes de soutien à Media Defence ou au FPL, via un formulaire (postuler ici) ou par mail au FPL (charlotte.clavreul@fondspresselibre.org). Cette demande doit impérativement fournir les documents nécessaires à la compréhension de l’affaire (contenus éditoriaux visés, contenus des menaces, documents judiciaires ou administratifs).
Le fonds Ripostes existe grâce à vos dons
Ensemble, pérennisons ce fonds et ripostons avec la presse indépendante !